DISPARAITRE

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Enfermées dans la maison paternelle comme des fleurs en pots, un bouquet de jeunes filles aux noms de flore tente de vivre et s’épanouir dans une famille défaite et désorganisée. Fannées par la honte et la maltraitance, elles survivent pourtant comme des fleurs sauvages au milieu de bien étranges dangers.

Sortie le 9 Octobre 2012
ISBN : 978-2-35371-295-3
Rayon : Littérature / Edition Bilingue Format : 11,5×21 cm
Prix : 12 euros
192 pages


Disparaître de Carmen Boullosa est traduit de l’espagnol par Sabine Coudassot-Ramirez et illustré pour DuB Editions par Julien Cluchague

Il est entré dans la maison en courant, bruyamment, tout excité, sur le point d’exploser, et nous l’avons entendu et senti avant même qu’il ne se mette à produire ces cris horribles que nous connaissons si bien et qu’il ne devait jamais plus émettre. Il est entré comme un enfant, un enfant sauvage, hors de lui, sans respecter ce que nous pourrions appeler le rythme tranquille de ces murs, sans s’arrêter, comme si la maison n’était qu’une étape dans sa course folle, sans pouvoir contenir l’excitation que lui procurait le fait d’amener ça avec lui, et quand il a commencé à crier, à beugler, tous, nous avons tous couru vers lui. Que criait-il ? Criait-il « Venez ! » ? Criait-il « Ça va tomber si vous ne vous dépêchez pas » ? Ou « Venez vite voir ce que je vous ai apporté » ? Je ne peux me rappeler ses mots parce qu’à ce moment-là je n’ai pas pu les entendre. Ils étaient opacifiés par le vertige qui les entourait. Plus que des mots c’étaient des chèvres sauvages ou des griffes féroces ou des sabots horrifiés par une longue course. Et le ton ! Le ton sur lequel il les disait ! Encore aujourd’hui, après toutes ces années, il me semble sentir ce ton dans les moments terribles, quand j’ai l’impression que, pour un caprice, l’univers est sur le point de s’écrouler. Il balançait les mots avec l’insistance d’un vomissement, comme les chiens blessés jettent leurs aboiements, leurs miaulements  silencieux les chats que des enfants cruels noient dans des seaux d’eau bouillante : « Venez ! » « Il faut que vous voyiez ça ! » C’est quelque chose comme ça qu’il a dû crier, et nous sommes tous venus voleter autour de ça, tous ses enfants, momentanément transformés en petites mouches indécises autour de lui, sans oser rester trop près de ça pour l’inspecter suffisamment, sans savoir que c’était destiné à partager notre vie pour un temps infini. Nous n’osions pas demander « Qu’est-ce que c’est ? », ou « De quoi est-ce fait ? », et tandis que papa soufflait comme un cheval agité, ce que nous n’aurions jamais imaginé découvrir en lui, nous n’avons pas non plus demandé « Qu’est-ce qui t’arrive ? Bon sang papa, qu’est-ce qui t’arrive ? »

Disparaître est un roman sur l’enfance dans des tons criards et acides. Ce n’est pas un roman rose et il n’y a pas de place dans ce livre pour l’auto-compassion ou l’auto-complaisance… Sa caractéristique principale est la pratique de l’ellipse qui permet à l’auteur de restituer les mystères de l’enfance avec la plus grande intégrité. Un style fantastique, ludique et acide

Fabienne Bradú, Revista Vuelta