Le métro de Séoul et ses ombres qui errent, silhouettes envoutées par de minuscules écrans luminescents dictant la cadence du monde. Dans une société coréenne historiquement soucieuse de l’autre, respectueuse de ses ainés et attachée à ses valeurs ancestrales, le smartphone s’impose à l’homme moderne et redéfinit à marche forcée les codes sociétaux. Il transforme son propriétaire en être autocentré et fier de montrer qu’il est occupé, donc important, possédant. Seul compte dorénavant cet outil magique qui permet de lire, regarder, jouer, écouter, divaguer et tant de choses encore. Qui permet de photographier et d’informer, aussi. C’est là tout le sens de l’ouvrage de Julien Falsimagne, Disconnecting People.
Au milieu de ces rames infinies et de leurs recoins chargés d’hommes et de femmes, Julien nous invite à une plongée à froid, brute et sans filtre, dans l’univers du métro de Séoul où, muni de son appareil photo, il scrute, attend, observe pour enfin saisir sur le vif un mouvement, une moue, un regard. Une scène de vie ou une scène de néant. Subtilement, il nous entraine pas à pas dans une toute autre introspection, celle de l’âme humaine qui tend à se fondre et se confondre avec son excroissance technologique, ce smartphone que l’on possède… ou bien est-ce l’inverse ? C’est bien un parcours initiatique, coloré et visuel que propose d’une belle manière Julien, structurant une œuvre qui saisit tout le paradoxe des personnes photographiées, tiraillées entre l’ouverture au monde permise par l’hyperconnexion technologique et le repli sur soi total. C’est alors un réel plaisir de découvrir ces vignettes de vie et de lire les fragments de textes qui rythment le tempo du livre.
L’œuvre de Julien Falsimagne nous questionne, en miroir, sur notre utilisation de la technologie et notre rapport à l’autre. Où commence ce « trop plein » technologique ? Le smartphone renforce-t- il le lien social ou au contraire le détruit-il ? L’écran et ses nombreuses applications sensées nous connecter ne trahissent-ils pas finalement leur promesse, en nous isolant davantage des autres ?
Avec Disconnecting People, Julien Falsimagne nous prend par la main et nous conduit au début du chemin de cette réflexion essentialiste. A chacun de nous de l’emprunter et de trouver la réponse à ces interrogations à la sonorité si contemporaine.
