{BENIGNE}
Moi, je peins l’extraordinaire.
Depuis plus de dix ans, je suis un enfant qui voit la vie comme une cour de jeu. Une scène silencieuse et fantasmagorique, une chanson de gestes dont les protagonistes, anodins artefacts du quotidien, jouent pour moi seul des histoires fantastiques. Mon appareil photo, c’est plus que ma rétine, c’est mon nerf optique : il relie ce que je vois à ce que je pense ; il ne reflète pas qu’une image, il transmet un conte.
Un jour a sonné l’olifant, et je suis parti sur les rives de la Croisade Apocalyptique. Ce personnage inconséquent, sinistre ambitieux, balloté au gré du vent et de ses humeurs, a créé un lien insondable avec une série photographique, « Adieu chérie », que j’avais récemment exposée à Paris. Mon mannequin, anthropomorphe anonyme, révèle sa vie rêvée et ses lubies dans des histoires qu’il nous susurre. Démembré par les caprices de sa destinée, parfois révolté et menaçant ou encore contemplatif face à des horizons, cet être quelconque cultive notre tendresse et notre attachement. A la manière du personnage de Romain Ternaux, il reste un objet impuissant qui nous offre le filtre de sa vision partiale d’un monde dont il ne peut être partie.
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Nature vivante VII illustre le roman de Romain Ternaux / Croisade Apocalyptique
{Entretien}
Pour un photographe, que représente le travail d’illustration d’un livre ? Quelles sont les contraintes ou les avantages de ce support ?
C’est un exercice assez intéressant, quoiqu’un peu déstabilisant au début, puisqu’il faut trouver une corrélation entre les mots et les photographies et ne pas tomber dans l’illustration simpliste de l’histoire.
Les contraintes sont plutôt simples, pour Croisade apocalyptique, il fallait se conformer au format du livre qui est assez atypique et au Noir et Blanc pour les photographies des chapitres.
Une fois ces contraintes prises en compte, il est plutôt agréable pour un photographe de voir des mots prolonger ses photographies.
Etes vous vous mêmes lecteur et si oui quelles sont vos ouvrages de références ?
Oui bien suû, je lis beaucoup de livres biographiques sur de grands photographes, mais aussi des romans qui me permettent de m’évader et de partir complètement dans l’histoire.
Si je devais citer un livre en tant que grand enfant que je suis, je citerai Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry.
Je pense qu’en tant que photographe comme écrivain pour être curieux et admiratif du monde et se laisser aller à son imaginaire, il faut conserver son âme d’enfant.
Croisade apocalyptique est un ouvrage assez virulent et halluciné sur la quête désespéré d’un marginal de révolutionner le monde capitaliste. Etait-ce un sujet difficile à aborder ?
Cela aurait pu, mais au lieu de me baser sur les envies révolutionnaires de ce personnage, je suis parti sur son ressenti, son côté désespéré. Ce personnage qui s’éparpille tellement qu’il fini par s’oublier lui-même.
Et c’est cette perte et finalement aussi quête d’identité qui m’a inspiré.
Cela se retrouve dans ce mannequin démembré, presque laissé à l’abandon, qui au fil des chapitres se dévoile petit à petit, pour finalement se reconstruire, mais pas dans son entièreté .
Qu’avez-vous pensé de votre rencontre avec Romain Ternaux et son univers ?
J’avais lu le manuscrit de « Croisade apocalyptique » avant de rencontrer Romain Ternaux et vu l’univers du livre, je me demandais comment pouvait être son auteur.
Et je dois dire que je n’ai pas été déçu, j’ai retrouvé chez lui le côté, « barré » (dans le sens de pouvoir partir loin dans son imaginaire) que j’avais pu ressentir en lisant ses mots et qui m’avait plu. Et c’est un côté que je trouve très intéressant chez tout créateur, de pouvoir parler d’une de ses créations comme si elle était réelle. En lisant ses mots, ou en discutant avec lui, il arrive à nous emporter complètement dans son monde.
Et je trouve que cet univers cru et dur, n’est pas une provocation facile, mais est concrètement au service du personnage et de l’histoire.
Déjà en 2013, dans votre précédente exposition « Adieu chérie », le modèle du mannequin avait une place centrale dans votre travail. Est-ce son anonymat qui vous intéresse, ses formes standardisés, sa passivité ?
Ce mannequin, est fort de sens, car il n’incarne pas, il est comme une toile vierge où chacun peut peindre ses propres ressentis et/ou angoisses.
Il est la représentation de l’humain, mais n’a pas d’âme, il est vide à l’intérieur, et c’est ce vide intérieur, ce sentiment de ne pas exister, de n’être qu’une façade qui m’intéresse.
C’est une des lignes directrices de mon travail, et c’est pourquoi le mannequin en est un élément central.
Quels sont vos projets ?
J’expose au Paname-art-café dans le 11éme arrondissement, sur une série qui s’appelle MORPHOSE, et le vernissage aura lieu le 03 Juillet 2014.Le Pitch : » Imaginez la confrontation entre le vivant et sa représentation, deux formes humaines pour une seule âme.
Mais lorsqu’il y a Morphose, pourrez-vous encore différencier l’un de l’autre ? «Une réflexion sur notre place dans la société, de la volonté de se montrer au plus grand nombre, au sentiment de vide intérieur.
Vous pouvez retrouver toutes les informations et actualités sur mon site : http://www.benigne.book.fr/
Bénigne
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